Le jour la nuit by Tanith Lee

Auteur:Tanith Lee [Lee, Tanith]
La langue: fra
Format: epub
Tags: SF
ISBN: 2-226-01481-0
Éditeur: Albin Michel
Publié: 1982-03-01T00:00:00+00:00

Outre la peur, et la lueur glacée des étoiles, il y avait une certaine liberté à la surface. La façon de se déplacer, par grands bonds, un quasi-vol sans effort, n’était pas déplaisante une fois comprise et maîtrisée. Mais ils travaillèrent pendant tout le Jate, sans être rappelés par aucune sonnerie, et c’étaient les machines qui leur ordonnaient quand fixer un tube au masque facial de leur ballon à air et aspirer la bouillie qui donnait des forces, mais avait un goût de plastomil dilué. Même sans pesanteur, les muscles finissaient par devenir douloureux. Nettoyer les miroirs concaves, tirer l’équipement sur les traces des machines, appliquer des foreuses à des évents anonymes dans le sol. C’était le Jate : répétition et perspectives immuables de noir et de blanc. Le froid se pressait aussi contre les combinaisons, les traversant tranquillement, de sorte que, à la fin de sa période de travail, chaque homme sentait la menace d’être congelé vivant à un centimètre de la surface de sa combinaison, une bouche de plomb soufflant sur sa chair comme à travers une fenêtre. L’air artificiel et usé des bulles qui les enveloppaient les épuisait d’une fatigue qui était comme une inexorable drogue.

À la fin du Jate, Casrus, comme les autres, était épuisé. Mais ils étaient adaptés par l’habitude à la forme de leur destin, et lui, si indifférent qu’il fût, n’était pas encore habitué. Les rigueurs de cette période de travail sans âme le choquaient dans les parties de son corps, de son esprit qui n’étaient pas encore habituées, pas encore adaptées. Que les dix Jates suivants dussent être semblables n’était pas fait pour le réconforter.

Le véhicule ovoïde les ramena à leurs demeures sans joie. Dorte était venu voir comment s’était comporté le prince. Tout le monde était trop affaibli pour lui prêter beaucoup d’attention. En ricanant, Dorte reconduisit Casrus à son taudis dans l’impasse d’Aita. Il resta un moment dans la ruelle, plaisantant, montrant du doigt à ceux qui passaient par là cette Maram la résidence royale de Klarn. À la fin, une femme survint et Dorte partit à sa suite.

Plus tard, une femme vint aussi à la porte métallique de Casrus, mendiant du charbon. La rumeur s’était apparemment vite répandue. Casrus lui en donna un morceau, tout ce qu’il pouvait donner. Puis, comme un mort, l’insomnie et tout le reste enfin vaincus, il s’endormit.

La cloche du Jate le réveilla, comme elle était censée réveiller les dormeurs du Subtérieur. Ceux qui dormaient trop longtemps perdaient leur travail, et mouraient de faim, ou pire.

Travailler à la surface était un travail dur, mais profitable. Les ordinateurs avaient été justes en le choisissant pour Casrus. S’il conservait sa force, dans quelques années il pourrait devenir un Contremaître comme Dorte, en choisirait d’autres pour ce travail, recevrait d’eux des gratifications, vivrait aussi bien qu’il le pourrait, étant donné la nature de la vie dans le Subtérieur.

Il fit chauffer un cube de nourriture concentrée dans une petite marmite d’eau qu’on lui avait automatiquement donnée quand il avait quitté la surface avec les autres hommes.

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